La chambre Louis XV, une esthétique si féminine

La chambre Louis XV, une esthétique si féminine

Notre voyage dans le temps continue. L’enfilade offre un contraste saisissant entre les deux chambres Louis XIV et Louis XV. D’un côté la rigueur et l’autorité, de l’autre la douceur et la féminité.

Le mobilier comprenant le lit à l’ottomane ainsi que les fauteuils sont tous estampillés de la main de l’ébéniste Nicolas Heurtaut. Virtuose du fauteuil de style Rocaille, cet artiste est  incontestablement l’un des plus grands spécialistes  du siège. Reçu maître en 1753, il exercera indifféremment en tant que menuisier et sculpteur, cette particularité lui permettant de fabriquer l’intégralité de ses créations. Rinceaux, guirlandes de fleurs, feuillages, ornent admirablement ses œuvres, sans oublier les tons doux des soieries  déterminés avec soin. Inspiré par la nature, ce style se caractérise par une recherche d’intimité et de confort. Le dossier violoné apparaît ainsi que le pied galbé dit « pied Louis XV », évolution de ce détail  passant des pattes de lion aux pattes de biche, plus fines, plus délicates. Le style Louis XV représente la maîtrise parfaite des assemblages et de la résistance du bois, permettant de supprimer les lourdes entretoises du style auquel il succède.

Le lit à l’Ottomane suit en toute cohérence les fauteuils encadrant la pièce. Ses formes voluptueuses et son ciel de lit à plumes sont un exemple savoureux du style rococo. Également ne voit-on pas ici un changement des mentalités de part la position du lit ? non plus enfermé dans un carcan empreint de sobriété mais ici tourné, parallèle au mur, à deux chevets. Les rails sur lesquels il est installé, témoins du souci d’en rendre l’entretien le moins compliqué possible, preuve d’une évolution sans précédent des mentalités. Fait rarissime, ce meuble a conservé toute sa laque et sa polychromie d’origine  rappelant les décors « feuilles de choux » créés par la porcelaine de Sèvres. Autre trait exceptionnel, en accord avec  les deux bergères évoquées précédemment, le lit est décrit avec exactitude dans l’inventaire du château de 1791. Sauvés, donc,  in extremis, des flammes de 1822. Les allures très exotiques du lit s’expliquent par deux principaux événements. Au début du XVIIIème siècle, Lady Montagu, coqueluche des milieux intellectuels,  découvre l’empire Ottoman puis s’exerce à le faire connaître  ainsi que les Lettres Persanes du baron de Montesquieu. Le goût de l’Orient s’étendra ainsi aux luxueuses demeures royales et aristocratiques.

Pour la première fois depuis le Moyen-Age, l’asymétrie réapparaît. Le mobilier de la pièce dans son intégralité témoigne de ce renversement. La commode, le bureau en sont les exemples parfaits  sans perdre toutefois leur équilibre, leur élégance, en  harmonie discrète avec leur environnement. Citées plus haut, quelques porcelaines de Sèvres sont exposées dans cette pièce dont les fameux biscuits ; tout comme les porcelaines de Meissen, très différentes dans leur configuration mais au succès comparable. Au point de vue historique, des portraits de couples emblématiques de la famille Lastic dont un particulièrement attire l’attention car réalisé de la main de la célèbre Élisabeth Vigée-Lebrun, portraitiste officielle de la Reine Marie-Antoinette.

De chaque côté du lit, Louise-Hyacinthe de Montesquiou-Fezensac, à gauche,  de son nom de jeune fille car elle deviendra l’épouse d’Anne-François V de Lastic, à droite du lit. Capitaine d’infanterie  et Dame d’honneur de Madame Elisabeth de France, sœur du roi Louis XVI, le couple célébrera son union le 31 janvier 1779 en présence du Roi et de la Reine..leur contrat de mariage, présent dans les archives de la Maison reste un des témoignages les plus émouvants de l’amitié entre la Famille Lastic et la Royauté au fil des siècles. La chambre révèle un autre témoin d’importance de cette relation, à savoir le Rouet de table, cadeau de Madame Élisabeth à Louise lors de leur séparation. En effet, la Révolution et ses troubles séparèrent les deux femmes,  Elisabeth condamnée et Louise renvoyée à Parentignat,  emportant pour toujours leur affection mutuelle. « Madame Élisabeth dans sa correspondance parlait de la marquise de Lastic avec éloge. Ce fut celle de ses Dames qui resta le plus longtemps auprès d’elle, presque jusqu’au dernier moment, lorsqu’elle fut enfermée au Temple », peut-on lire dans les archives retraçant cette époque.

Voici en quelques lignes un aperçu de cette pièce riche en beauté, riche en histoire. On ne peut se lasser de contempler chaque objet, chaque détail, témoins majestueux d’un passé qui l’est tout autant.

Afin de saisir  le changement fondamental qu’opéra le Roi Louis XV sur son univers et donc d’en comprendre les Arts , voici un extrait de ce qui fut perçut comme un testament politique et passé à la postérité  par la suite: Le 26 août 1715, sentant sa mort venir, Louis XIV fit entrer son jeune successeur à son chevet et lui adressa ses mots : « Vous allez être un grand roi, mais tout votre bonheur dépendra d’être soumis à Dieu et du soin que vous aurez de soulager vos peuples…Tachez de conserver la paix avec vos voisins ; j’ai trop aimé la guerre. Ne m’imitez pas, mais soyez un prince pacifique, et que votre principale application soit de soulager vos sujets. »

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Anne-François de Lastic